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Élections

" Nous n'avons rien appris, nous ne savons rien, nous ne comprenons rien, nous ne vendons rien, nous n'aidons en rien, nous ne trahissons rien, et nous n'oublierons pas. "
Présidentielles 2002

 

Depuis quelques semaines je m’interroge sur le déroulement et les résultats des dernières élections présidentielles. Il semblerait que tout le monde essaie d’oublier ce tragique évènement. Pour des raisons évidentes je conçois que certains préfèrent refouler, pour emprunter à la psychanalyse, des actes qui semblent en parfaite contradiction avec leurs pensées et leurs engagements.

Cependant je pense que l’oubli n’est pas  le meilleur moyen de vaincre la dissonance créée  devant les urnes en ce funeste dimanche…

  La plupart de mes amis, qui se disent en général « plutôt à gauche », se sont sentis obligés au second tour de voter Chirac. Le but de ce texte n’est pas de leur rappeler ce moment douloureux, encore moins de les culpabiliser, mais de les inviter à réfléchir sur les raisons qui les ont poussées à faire ce qui, quelques semaines auparavant, aurait été pour eux tout bonnement inconcevable.

 

Comme l’ont fait remarquer de trop rares analyses politiques au lendemain du premier tour,  nous étions alors dans une crise de légitimité du système, crise sans précédents au cours de la Véme République : Une grande majorité des français venaient de dire, en votant pour les extrêmes, en votant blanc ou en s’abstenant, qu’ils refusaient de se laisser gouverner par les deux mouvances libérales majoritaires de notre échiquier politique : Le RPR et Le Parti Socialiste [Plus de 20% de votants pour les « extrêmes », gauche et droite confondues (LO, LCR, FN et MNR) ainsi que pour les candidats ayant fait rupture avec les « partis de gouvernement » (Saint-Josse !!, ex-RPR et Chevènement, ex-PS)].

"Les Français ont massivement refusé de voter pour ceux qui gèrent le pays, faute de la gouverner"

  Du jamais vu ! Les gens s’étaient défait du traditionnel consensus qui les poussaient à s’exprimer majoritairement par opposition à l’autre camps, si semblable et si honni cependant. Un ras le bol généralisé. Des citoyens de plus en plus investis, malgré le matraquage sportif ou débilitant des émissions supposées les abrutir. Qu’en était-il de l’effet mondial tant attendu par Séguéla pour rassembler des gens appréhendés comme des supporters hurlants autour du messie socialiste, travailleur et sérieux, qui bien que privatisant à outrance (cad donnant aux capitaines d’industrie notre patrimoine commun) se réclamait de la lutte des classes.  

 

La France, comme le monde en général, était le terrain d’expérimentation d’un nouveau militantisme : Malgré les diverses infiltrations partisanes, une myriade d’associations, de groupement divers, d’individus se réclamaient de la lutte contre la marchandisation généralisée du monde, contre le capitalisme, contre les inégalités grandissantes, contre un système politique qui est en définitive que la traduction institutionnelle des outils de défense d’une classe réduite de possédants.

 

Que dirent les médias institutionnels de cette déroute de la « gauche » lors de ce scrutin : « C’est la faute aux abstentionnistes, c’est la faute à la dispersion des voix à gauche… » Ils tinrent évidemment leur rôle traditionnel de propagandistes des classes dirigeantes. Par la suite tout fut fait pour que de cette fantastique victoire des citoyens, qui s’étaient mis à refuser un choix cynique que leur impose un système qui ne vise que sa perpétuation, se transforme en « problème Le PEN ».

Le guignol grotesque qui se trouvait par hasard l’heureux gagnant du siége de candidat au second tour devenait alors l’incarnation du mal absolu, un Hitler en puissance, et tous les citoyens raisonnables devaient lui faire barrage, pour qu’il n’entâmes pas un nouveau génocide en votant massivement pour Chirac. Tous les journaux, toutes les télés, tous les artistes du « show-biz », tous les intellectuels prirent alors la parole pour que les citoyens « lavent l’affront » et votent pour celui en qui tous reconnaissaient un « escroc » affairiste.

  Je n’avais personnellement jamais vu une telle propagande à l’œuvre. Ca en devenait presque terrifiant. Durant cette période je n’étais pas en France et je n’étais  donc pas directement touché par cette propagande ambiante, omniprésente. De l’étranger, privé de télé et de journaux français, j’avais la chance de devoir alors aller chercher l’information dans des médias indépendants (surtout sur le net) où des analyses objectives pouvaient être publiées. Des amis présents dans l’hexagone me firent part de l’énorme pression mise sur leurs épaules pour les contraindre à voter Chirac. Ne pas le faire revenait à voter le Pen ( miraculeuse arithmétique si peu démentie), donc à voter pour un Hitler en puissance : Ne pas le faire signifiait donc être un nazi. La plupart cédèrent à cette pression de tous les instants mises sur les épaules (chose explicable). Certains me dirent même (Ils perdirent aussitôt toute mon estime) que si c’était à refaire, ils voteraient Jospin au premier tour. On leur fit alors miroiter un « troisième tour social ». On leur dit de voter avec des gants, d’envoyer le bulletin Le Pen à Chirac…

 

Les élections sont maintenant derrière nous, avec les résultats que l’on connaît : Le gouvernement Raffarin (le Medef aux commandes), Sarkozy Ministre de L’Intérieur…  

 

On semble être passé si près du but, et  pourtant tout semble à refaire. Le pessimisme ne mène à rien. L’amnésie volontaire est plus qu’improductive. Plus que jamais il faut oser regarder en face ce moment « exceptionnel » où se sont dévoilées au grand jour toutes les forces de propagande susceptibles de sauver un système dont on a entrevu les limites.

 

Mais attention : A chaque fois qu’un « monde meilleur » a été pensable (pour reprendre la phraséologie d’ATTAC), une « contre révolution » conservatrice a su trouver les ressources nécessaires pour un renversement de tendance.

Aujourd’hui plus que de tous temps, les tenants de ce mouvement rétrograde peuvent s’appuyer sur un appareil médiatique qui a déjà fait ses preuves comme outil de propagande efficace (comme le montre l’entre deux tours).

  Que peux-t-on faire pour éviter ce « retour de bâton » auquel nous préparent ceux qui n’ont aucun intérêt à ce que les citoyens se mettent à participer à la vie de la Cité, « retour de bâton » qui ne va pas manquer de venir sanctionner cet élan citoyen puéril d’une partie de la population archaïquement attachée aux valeurs démocratiques…